55 jours - Ecrits du confinement

03/11/2020

Ci-joint un extrait de mes chroniques du premier confinement.

Retrouvez-les en intégralité avec tous les textes écrits pendant cette période par l'atelier d'écriture à distance animé par Annie Fournel de l'association La Marmite dans le livre "55 jours - Ecrits du confinement". Il est vendu 15 € par La Marmite (lamarmite.plouf@gmail.com).

Jour 33 du confinement. Quelque chose dans l'air, un ton différent des commentateurs, des entreprises qui rouvrent, un restaurateur qui repeint sa devanture, des chiffres en baisse, nous étions à genoux mais tout doucement nous nous relevons. Encore un dernier effort, serrer les dents, une dernière ligne droite, rester chez soi en humant le vent de l'espoir.

Hier, chez nous, c'était jour de lavage de la volière des oiseaux. Parce que nous avons des oiseaux, canaris et mandarins, dans une volière intérieure. Ça égaye la maison, du mouvement et des chants, parfois même un peu trop. On a repéré que selon la musique qu'on écoute un des piafs mandarins, que nous avons appelé Trompette (devinez pourquoi), trompette encore plus fort que d'habitude sans s'arrêter, alors un de nous deux depuis son bureau crie "Vos gueules les mouettes!" et, aussi incroyable que cela puisse paraître, le volatile la ferme. Si, si, je vous assure, c'est vrai (vrai de vrai Marie-Laure). Donc hier, c'était jour de lavage de la volière, ça doit se faire une fois par semaine sinon ça pue un peu ... Et le lavage de la volière, dans le cadre de la répartition des taches entre Christine et moi, après d'âpres et longues négociations, a échu à ma dulcinée. Elle s'y est collée hier matin tandis que moi, je m'étais réfugié dans la salle de bain et je prenais ma douche tranquille, l'expérience m'ayant enseigné qu'il ne valait mieux pas traîner dans ses jambes à ce moment. Mais cette fois-là, les bruits n'étaient pas normaux, mais pas normaux du tout. J'ai enfilé mon peignoir, je suis sorti sur la pointe des pieds et je me suis figé devant un drôle de spectacle. Christine courait dans tous les sens armée d'une épuisette, elle montait l'escalier pour le dévaler aussi sec, se précipitait dans la cuisine, en ressortait échevelée. Je ne l'avais jamais vue ainsi. En principe, c'est plutôt quelqu'un de calme, pondéré, c'est-à-dire tout le contraire de ce que je voyais. Pendant toutes ses déambulations, elle gardait les yeux fixés en l'air. Je ne comprenais pas ce qu'il lui prenait puis, enfin, un déclic s'est produit dans mon esprit. Une épuisette, le regard vers le plafond, ça y était, j'avais compris et au même instant, je l'ai vu! Un canari s'était échappé (mais comment donc?) et découvrait les grands espaces de notre maison. Je me suis bien gardé de participer à la chasse de peur de prendre un coup d'épuisette, il y a toujours des dégâts collatéraux dans ce genre de situation. Le piaf jaune s'est enfin posé sur une étagère. J'ai vu ma dulcinée monter sur le fauteuil rotatif à roulettes et je me suis dit qu'elle risquait de se faire mal. Mais acrobate et adroite, elle a réussi à capturer l'oiseau récalcitrant, c'était parfait! Ou plutôt, ça aurait pu être parfait si la chienne, qui était tranquillement couchée, ne s'était pas levée comme un zébulon pour aller foncer dehors. Au passage, elle bouscula le fauteuil à roulettes et j'ai vu ma dulcinée passer perchée sur le fauteuil qui tournait sur lui-même en même temps qu'il traversait le bureau avec toujours le précieux zoziau dans les mains. Ses yeux semblaient me dire toute sa détresse et envoyaient un SOS. Je me suis précipité et je suis arrivé juste au moment où le fauteuil allait basculer sur la petite marche qui sépare le bureau de la salle à manger et elle m'est tombée dans les bras comme au premier jour, enfin presque parce qu'elle a quelques kilos en plus et que, à mon grand désespoir, je suis beaucoup moins fort. Le résultat est que j'ai amorti sa chute, elle dessus, moi dessous. J'ai mal partout et j'ai deux grosses bosses sur le crâne. Elle, elle s'en est sortie sans dommages et le canari a réintégré sa cage. J'étais plutôt fier de moi, je lui avais sauvé la vie, non? Et je m'attendais à un peu de réconfort et à quelques remerciements au lieu de quoi, je me suis fait rabrouer. "Faut toujours que tu sois dans mes pattes!" Le monde est vraiment trop injuste .....

Jean-Philippe FEVE Ecrivain et sculpteur sur bois
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer